Ce soir, en attendant la
pizza, un bruit de porte et Nan m'alertent:
-"Euh, ta fille est sortie...
- Pfff, oui. Elle fait parfois ça. Elle veut retrouver ses "vrais" parents. Elle est convaincue qu'ils attendent, prostrés dans leur grand château rose rempli de Barbies, qu'elle revienne enfin remplir leur vie de joie et de lumière."
J'ouvre la porte d'entrée et je scrute dans le noir. Je vois Pasfollette s'en aller d'un pas déterminé vers la route, un truc sous le bras...
-"Pasfollette! Tu vas où ma puce?
- Je vais voir la lune!"
Je scrute encore et je vois que le truc qu'elle porte, c'est le téléscope que les enfants ont reçu à Noël. [Bon, on va pas se chamailler, il paraît que c'est une lunette, *pas* un téléscope, n'empêche
qu'en américain...]
J'vais vous dire, depuis Noël on a cherché plusieurs fois à faire marcher ce machin avec les enfants, j'en suis même venue à me demander s'il fallait mettre des piles.
Mais on ne voit rien (oui, même après avoir enlevé le cache).
Ce qui est super frustrant parce qu'on se dit que ça doit pas être bien compliqué quand même de viser avec un bête cylindre un gros rond blanc comme ça.
On y arrive bien quand on joue avec les rouleaux de Sopalin vides, quoi.
Bref, Pasfollette n'était pas partie rejoindre ses royaux parents. Elle trouvait juste que la lune avait l'air belle ce soir.
C'est vrai que c'était une belle lune, dans un beau ciel; si j'avais eu un rouleau de Sopalin vide... mais je n'avais qu'une lunette en grève.
Alors je me suis installée à côté de Pasfollette pour l'aider à installer l'appareil.
Au bout de 20 minutes de triturages de plus en plus rageurs, j'appelle Pasfou au secours.
Il pose la nouvelle BD qu'il était en train de lire allongé sur la moquette moelleuse et chaude de notre salon et vient braver la nuit toute noire, une femme énervée et une lunette à $30.
À genoux dans l'herbe encore vaguement humide, les manches retroussées et l'air concentré, il visse, dévisse, ajuste et réajuste.
Pour faire plaisir à sa fille, pour qu'on puisse regarder la lune, parce qu'il nous aime et qu'il n'est pas homme à se laisser démonter par un cylindre en métal et trois bouts de verre, même s'il y a une nouvelle BD qui l'attend.
Et je me dis que j'ai beaucoup beaucoup de chance.
Et j'ai tellement envie de l'embrasser mais si je le fais bouger maintenant, ça sera râpé pour la lune alors je me retiens. Mais c'est dur, parce qu'un homme qui vous fait des belles déclarations d'amour comme ça, à genoux sous les étoiles, c'est très difficile à résister.
Je me dis qu'après la pizza, le bain des enfants et tout ça, je pourrais me rattraper. [En fait non, puisqu'au lieu de me coucher je suis en train de taper ce post en attendant que ma lessive soit faite, mais ça c'est ma faute aussi: si j'avais pas pris autant de retard dans la lessive les enfants auraient des chaussettes propres pour aller à l'école demain.]
À force de patience, Pasfou finit par avoir raison de l'instrument, et avec les garçons on regarde la lune chacun notre tour. Les enfants poussent des cris de joie et moi aussi je suis ravie.
Ça faisait quelques années que je n'avais pas vu la lune d'un peu plus près.
Demain c'est la St Valentin, mais aucun bouquet de fleurs, aucune boîte de chocolats, aucun repas aux chandelles n'arriverait à la cheville de la jolie lune que Pasfou m'a offert ce soir.
# rédigé par
Pasfolle à 23:53