Debbie est une Américaine avec un petit garçon de l'âge de Pasfollette. On cherchait toutes les deux un camarade de jeux pour nos bébés, alors pendant quelque temps on allait l'une chez l'autre pour des "playdates". Je vais essayer de rapporter une conversation entre nous vu de son côté. On est chez moi, sur le tapis du salon.
Debbie est la narratrice:
Je suis curieuse de savoir de quoi on va parler cette fois-ci. Cette Française ne m'est pas antipathique, mais qu'est-ce qu'elle peut se plaindre de sa situation de SAHM (Stay At Home Mom) . On croirait entendre une Yankee! Quand je pense combien de femmes aimerait pouvoir se permettre la même chose, et aux sacrifices que l'on doit faire pour que je puisse être avec notre fils pendant sa première année. Et elle, elle râle, c'est incroyable. Elle m'a l'air d'être pas mal gâtée, oui.
-"Elle est très jolie ta maison. Vous êtes propriétaires?
" C'est vrai qu'elle est sympa cette maison. Meublée bizarrement avec des reproductions hideuses (c'est vraiment n'importe quoi Picasso, y a pas à dire), mais la maison est jolie.
-"Euh...oui. Pourquoi?
"
-"Nous aussi on est propriétaires. On a acheté l'an dernier, on voulait être propriétaires avant la naissance bien sûr.
" Ben dis-donc. J'ai posé une question trop personnelle? Elle a l'air surprise que je lui pose cette question. Ça m'est égal si elle est propriétaire, c'est juste pour parler.
- "Ah bon? Non, nous on a acheté parce que c'était plus logique au niveau financier. Sinon, tu as vu cette histoire d'Elian Gonzales?
- Qui?
" De qui elle cause? Franchement, les histoires d'hispaniques ça ne me passionne pas des masses.
- "Tu sais, le petit Cubain dont tous les journaux parlent en ce moment. Il est en Floride et son père veut qu'il rentre au Cuba.
- Ah ouiiiii! Quelle histoire atroce! Cette pauvre mère. Quel sacrifice!
" C'est une histoire très émouvante, ça résume tout l'amour qu'une mère peut avoir pour son enfant cette affaire. Je suis si heureuse pour le petit. Il va pouvoir vivre une vie de prince à côté de sa vie là bas. Je suis si fière qu'on puisse offrir cette chance immense à ces réfugiés cubains, avec tout ce qu'ils subissent.
-"C'est surtout extraordinaire qu'on refuse de rendre le fils à son père!
- Mais non! Tu ne sais pas? Son père veut qu'il VIVE à Cuba!
" Attends, elle ne se rend pas compte ou quoi?
- "Et alors?
- "Mais...mais... ils sont COMMUNISTES là bas!
" Ils savent vraiment rien ces Français. Pourtant tout le monde sait ça. Pourquoi elle croit que tous les habitants de Cuba essaient de fuire par tous les moyens cet enfer? Remarque, c'est loin l'Europe, peut être qu'ils ne savent pas ce qui se passe là-bas.
-"Et alors?
- Mais c'est affreux. Ils ne sont pas libres. Ils ont un dictateur. Ils ont faim, ils sont torturés tout le temps et souvent même assassinés.
" Elle ne sait pas ce que c'est le communisme ou quoi? Pourtant, il me semblait que l'Europe n'était pas loin de la Russie. Ils devraient être mieux renseignés que nous!?!
- Mais si c'est là qu'il a fait sa vie le père, je trouve qu'il devrait avoir le droit de récupérer son fils. Surtout maintenant qu'il est orphelin de mère, le garçon va vouloir retrouver son papa.
- Comment peut-on renvoyer cet enfant dans un pays communiste, après tout ce que sa mère a fait pour l'en sortir? Ça serait du
child abuse! Si le père aimait réellement son enfant, il voudrait qu'il grandisse dans un pays libre, c'est évident..."
Comment peut-elle souhaiter que ce pauvre enfant y retourne? Elle a le coeur dur! Ou alors elle ne sait vraiment pas ce qu'est un communiste...? "Est-ce qu'il y a des communistes en Europe?
- Euh, oui...
- Des communistes! Des communistes, au pouvoir ?!
Il ne faut pas que je m'étrangle, mais elle en parle avec une telle nonchalance!
- Beuh oui, parfois.
Ah beh voilà. Tout s'explique. Cette pauvre femme n'a aucune idée de ce que font les communistes parce qu'on doit leur cacher tout ce qui se passe de plus détestable. Dire que je croyais qu'on avait réussi à débarrasser le monde de tous ces pourris. Le pire, c'est que maintenant qu'elle habite dans un pays libre, elle a sans doute subi un tel lavage de cerveau qu'elle ne pourra pas croire la vérité.
C'est atroce.
Qu'est ce que j'ai de la chance d'être Américaine.
- "Et comment vous avez fait pour quitter la France ?"
# rédigé par
Pasfolle à 13:16