Ce matin, comme tous les lundi matins, j'ai été faire mon heure de volontariat à l'école ou vont nos deux fils. Je suis surprise de combien j'ai pu changer d'avis sur ce sujet depuis mon arrivée au Texas.
Je suis passée d'abasourdie à méprisante, du mépris à la tolérance (au sens tout juste supporter) et finalement, je me retrouve tous les lundi matins dans la classe de Kindergarten de Petit Pasfou 2 pour faire lire les enfants individuellement!
Notre école n'a que 2 ans, mais elle a déjà plus de 30 classes, du Kindergarten (les enfants doivent avoir 5 ans avant le 1er septembre de l'année d'entrée en Kindergarten) jusqu'au Grade 5.
Grosso modo 600 élèves, quoi. Et bien ces 600 élèves bénéficient du travail de plus de 200 parents bénévoles! C'est un système établi et manifestement rodé. Les écoles sont très demandeuses et apportent un soutien notable; la notre offre une salle dédiée, un ordinateur pour "pointer", des badges avec photos d'identité pour chaque bénévole et un contrôle à l'entrée par la réceptionniste de l'école.
Plusieurs choses m'ont tout de suite chiffonné quand j'ai découvert tout ça pour la première fois.
D'abord, pour moi, jeune mère (interdite de travail ici) se noyant dans les couches-culottes, crayons de couleur, peluches, comptines, colères et caprices de ses 3 enfants, je ne voyais vraiment pas de quelle maladie mentale grave il faudrait que je souffre pour vouloir passer encore plus de temps entourée d'enfants. Le but premier de l'école en ce qui me concernait était de sauver la vie de l'enfant en permettant à sa mère de souffler.
En gros, pourquoi des parents voudraient-ils faire ça?
Ensuite, la présupposition que les mères étaient disponibles m'a un peu effrayée. Moi, je n'avais pas le droit de travailler de par mon visa, mais les autres...pourquoi ne travaillaient-elles pas?
Enfin, les implications sociales m'ont pas mal faché aussi. Le travail effectué par les bénévoles était un travail qui aurait du revenir à des salariés, professionnels si possible.
En somme, un service public se révélait n'être qu'un marché aux esclaves, les esclaves étant ces pauvres femmes lobotomisées par la société dans laquelle elles avaient été élevées (oui, j'étais assez remontée!).
Maintenant je suis devenue l'une d'elles, je suis une "soccer mom" a part entière.
Alors qu'est-ce qui m'a poussé à devenir bénévole dans notre école?
- Beaucoup de curiosité sur le fonctionnement des écoles ici, les interactions entre enfants, la pédagogie, les méthodes, etc.
- Un peu le désir 'd'acheter' les instits et l'administration de l'école, comme assurance en cas de conflit (autant être franche).
- Et l'espoir de pouvoir contrôler directement l'enseignement que reçoivent mes enfants et ça, je pense que je le partage avec la majorité des bénévoles.
Sinon les mères au Texas sont effectivement très fortement encouragées a rester au foyer, par les écoles et leurs pairs; elles le font soi disant pour le bien-être de leur progéniture, mais aussi beaucoup parce que c'est un signe extérieur de richesse, au même titre que les faux seins.
Je continue de penser que l'ampleur du volontariat dans ce pays est un scandale, surtout quand c'est dans des entreprises commerciales (oui, ça se fait).
59 millions de personnes ont fait du volontariat l'année dernière aux Etats Unis avec une moyenne de 52 heures pour l'année, ce qui représente plus de 3 milliards d'heures de travail gratuites, soit, au smic horaire féderal d'environ $5, un cadeau de 15 milliards de dollars!
-> cf les
stats du Ministere du Travail
Ainsi, grace à sa grosse armée de bonnes poires, Bush peut s'acheter quelques missiles de plus, au lieu de foutre ça en l'air bêtement dans les écoles ou la sécurité sociale.
Et puis c'est
tellement mieux pour une école d'être dépendante de l'humeur, de la disponibilité (donc des revenus) des parents pour son bon fonctionnement...
Et puis c'est
tellement mieux de laisser des églises (souvent mues par le désir de faire du prosélytisme) gérer la vie des pauvres...
Je termine quand même sur une note positive; le volontariat destiné à servir les couches les plus pauvres de la population donne l'occasion aux Americains de se sentir concernés par la pauvreté.
En France, on a beaucoup tendance à penser que l'Etat, en tant que représentant du peuple, doit s'en occuper (je suis 100% d'accord) et du coup l'oublier (ça m'arrive et c'est pas bien!).
# rédigé par
Pasfolle à 03:53